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Sonntag, 16. Juli 2017

KPR - 3 : Jour 100 I Smederevska - Palanka

Oui, la situation n'est pas à envier. Les gens, les jeunes ne voient pas l'avenir d'un bon œil. Certains me disent que pour que la situation change, il faudrait l'aide de la Russie ou peut-être une troisième guerre mondiale. La Serbie est au centre des puissances et impuissante. Le système politique est corrompu et l'on coupe l'herbe sous les pieds des petits commerces dans les villages et campagne qui tentent de prospérer. Mais les gens ne présentent pourtant pas grise mine, ils ont du tempérament, une expressivité dans le visage et leurs paroles.



La plupart des gens rencontrés me déconseille de passer par le Kosovo. A chaque fois, c'est une grise mine, une appréhension ou un certain froid qui s'installe pour quelques secondes. Pour éviter des tensions, je dis que je passe par Pristina et j'évite de citer le mot "Kosovo" en tant que pays, car beaucoup de Serbes, le Kosovo fait partie de la Serbie; ils ne reconnaissent pas la la région en tant que telle. Je l'ai perçu dans ma présentation à la Galerie U10 à Belgrade, quand j'ai énuméré les pays traversés. Il y a encore des tensions, le passé n'étant pas très loin… En tant qu'étrangère, je ne devrais pas avoir trop de problèmes. D'ailleurs, je dois faire mon propre chemin, ma propre expérience, voir, ressentir l'atmosphère avec mes propres organes. L'autre jour, un homme s'arrête et me parle, assis dans sa voiture, et me déconseille de prendre tel chemin, car ce serait une impasse. Un petit chemin rempli de broussailles. Je l'ai écouté, puis j'ai écouté mes tripes et je me suis quand même engagée. Et le chemin était totalement "praticable". Rien à voir avec ce que j'ai dû parfois franchir… C'était du "gâteau". Donc, fais ta propre expérience! Bien sûr que j'écoute leurs conseils, mais parfois j'ai besoin de n'en faire qu'à ma tête, car l'instinct me dit autre chose.

Ce que je vois ici, c'est une ferveur, une pratique religieuse de la communauté orthodoxe. Chaque famille a son saint protecteur (les plus fameux sont St-Nicolas et St-Georges, qu'on reconnaît avec sa lance combattant le dragon). Il y a des traces de sa fête, notamment les couronnes tressées qui ornent les barrières et portails d'entrée. Je perçois encore leur ferveur par des petits rituels, tel verser de l'eau ou un peu de bière avant d'en boire les premières gorgées, ou encore faire régulièrement le signe de croix (pour prendre congé d'une personne, comme un signe de bénédiction). C'est peut-être un mélange de superstition mêlée à la confession orthodoxe. Ce qui est fascinant, c'est la mixité et la variété des origines, ou l'impact de l'histoire sur le présent. Un peuple au croisement du Nord, du Sud, de l'Est et de l'Ouest, un peuple slave marqué par l'Empire ottoman. Il en reste des traces, par exemple les "RATLUKS" (loukoums), le café serbe (café turc), les mets épicés et pimentés ou encore certains vêtements traditionnels.

A l'approche de la ville étape, je salue une dame qui jette ses ordures dans le container. Il est tôt et je me réjouis de parvenir dans la matinée vers mon but fixé. Mais il en va autrement. La dame m'invite pour un "kafa" et j'accepte. Je découvre l'intérieur de la cour, ses petits animaux, elle a un potager à l'extérieur où elle cuisine des paprikas (poivrons) et des saucisses. Alors le café devient un repas, et le repas une embrassade, et l'embrassade un échange d'adresses. A 10h30 du matin, j'aurai dîné: pains, paprikas grillés, saucisses, œufs au plat, salade tomates concombres, accompagné d'un sirop fait maison. Je ne suis pas seule.



Il y a à ma table une petite équipe d'hommes qui réparent la canalisation d'une maison. Ils sont fiers et optimistes et ont besoin qu'on confirme que la Serbie est "DOBRA". Oui, la Serbie est bien et sa population aussi. Et puis, il y a le jeune fils…. Aussi à marier? Pas pour cette fois. En ville, je me pose à la première terrasse et demande au serveur s'il y a des artistes. On me répond d'aller à Belgrade. Je tente ma chance dans le prochain bar.

Je suis dans un café à siroter un café après l'autre. C'est dimanche et je suis énervée contre moi-même. Au lieu de me tenir à mon plan, je me suis laissé entraîner par l'hospitalité serbe et, conséquence, le musée d'art moderne avec sa galerie d'art contemporain est fermé… Si j'étais arrivée hier soir, j'aurais eu des chances de trouver plus facilement des artistes…. Bon, je ne vais pas me laisser abattre par les détours et aléas du projet. J'ai profité d'une collation bien fournie à 10h30 déjà. N'empêche que cela ne me fait pas avancer dans ma démarche-quête. J'arrête de me plaindre et continue à siroter mon café, dans un bar de cette ville. Sur 24'000 habitants, je vais bien trouver un artiste. Il me le faut, car je dois recharger les batteries et peut-être me laver. J'interpelle la serveuse et c'est le déclic. Elle s'appelle Ida et elle est tellement enthousiasmée par mon projet qu'elle informe sa maman et contacte d'autres personnes. Elle me dit que dans la famille, il y avait son oncle et grand-oncle qui étaient peintres. Les deux sont malheureusement décédés. Il reste juste quelques tableaux accrochés aux murs de leur appartement.

Je profite de régler certains mails avant de suivre Ida qui me présente un ami graphiste. Je l'interviewe. Il me raconte qu'il fait une école privée d'une durée d'un an, qu'il finance lui-même en travaillant à 100% dans un bar. Les cours étant online, il jongle entre son boulot et les études. Il est super motivé et convaincu que dans quelques années, le marché du graphisme va prendre son essor, ce qui n'est pas le cas pour l'instant vu que, selon lui, les gens ne comprennent pas l'importance de cette discipline.

Ida m'invite chez elle, me dit que si je veux prendre une douche, je suis la bienvenue. J'accepte. Je découvre un appartement de trois pièces où vivent 6 personnes: la maman, la grand-maman, Ida, son frère, sa sœur aînée et un bébé chinois de 8 mois qui vit quasiment avec eux. Je suis accueillie comme une reine, on me fait une fête. Ils appellent encore d'autres personnes pour annoncer ma venue. On me propose de dormir. J'accepte. Ils m'offrent une pièce à moi toute seule, tandis qu'Ida dormira dans l'autre pièce avec sa grand-maman, la maman et la petite fille chinoise dans le salon, et la sœur aînée squattera aussi le salon. Je suis touchée. L'espace est petit et ils cohabitent. Pas le choix. La grand-mère me parle en Serbe et me raconte qu'elle regarde un vieux film en noir et blanc qu'elle a déjà vu quand elle était petite. La petite fille chinoise est l'attraction et le soleil de la famille. La maman qui est cuisinière de métier a une nouvelle fonction: elle est baby-sitter et s'occupe de ce bébé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les parents chinois la lui ont confiée, car ils ont un magasin et n'ont pas le temps pour l'enfant qu'ils visitent régulièrement. Je suis choquée. A quoi bon avoir des enfants? Ou bon, ok, cette petite fille est entourée d'une famille et reçoit l'affection dont elle a besoin.



On mange, je contribue au repas en posant sur la table des abricots, des ratluks et d'autres petites choses. Ida me parle de la philosophie bouddhiste et de sa pratique quotidienne. Puis, avec Lola, la sœur aînée, on sort pour un petit tour à pied et un verre en ville. Son ami Victor nous rejoint et un ami auteur-écrivain vient aussi à notre table. Il est tard, j'ai froid et suis fatiguée. On rentre et hop au lit.

Le lendemain matin, Lola me réveille en me disant que le petit-déjeuner est prêt et qu'un ami artiste-tatoueur est là, et qu'il vient me parler. Il est 6h30, la journée commence.

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