J'ai quitté la famille qui m'a accueillie. Le père travaille
partiellement en France, après des années dans toute l'Europe. La maman,
roumaine, reste en Serbie avec le beau-père et les enfants. Elle tient un magasin
de deuxième-main dans la ville d'à-côté. Et justement, dans cette ville, je ne
peux pas passer inaperçue. Je m'installe dans un café et prends connaissance
des nouvelles. Je règle quelques affaires. J'ai siroté bien quelques cafés,
dépensé quelques heures et au moment où je veux régler l'addition, la serveuse
me dit que c'est offert. La patronne trouve ce que je fais formidable et veut
m'offrir toutes les boissons. Mais comment le sait-elle?
Ce matin, je n'ai pas pipé mot car je voulais me concentrer.
Elle me dit que des gars du café m'ont vue le soir précédent dans le village.
OK! Tout est clair. Je ne passerai plus incognito. Puis la serveuse m'indique
un musée pas très loin. J'y vais, toute contente. Le directeur, plus jeune que
moi, graphiste à côté de sa première fonction, m'accueille et m'accorde de son
temps dans son bureau.
Il m'offre des chocolats "mon chéri" et me
montre des photos de lui, lorsqu'il n'endosse pas le rôle de directeur. Je suis
heureuse de voir une exposition de trois professeurs de l'Académie de Nis.
Puis, un prochain rendez-vous en poche, je bouge mon corps en direction de la
prochaine destination.
Tout juste arrivée en ville, un monsieur m'interpelle et me
propose un verre d'eau. Dojan gère un "car wash" avec son fils
Zvonko. J'accepte tout en étant un peu sur mes gardes. Si je m'arrête trop
longtemps, je manquerai mon rendez-vous. Je demande de passer un coup de fil au
galeriste. Zvonko le fait pour moi. En effet, la personne en question n'est
plus là. Il y a eu un malentendu. Il m'attendait jusqu'à 17h et moi, j'ai
compris que je pouvais arriver après 17h. Mince. Merde.
Je suis énervée lorsqu'une opportunité m'échappe. Surtout
dans une région où les institutions sont rares, ça m'énerve vraiment. Zvonko me
dit que c'est honteux de la part de cette personne de ne pas m'avoir attendue, sachant
que je suis à pied. Dojan m'invite chez lui, chez eux. J'accepte.
Je passe la
soirée avec Zvonko qui me parle de la situation de la ville, de la situation
avec son père qui veut à tout prix qu'il se marie et ait des enfants.
D'ailleurs, à moi aussi, à plusieurs reprises, il me parle de l'importance
d'avoir des enfants, qu'une femme doit avoir une famille pour ne pas devenir
"égoïste". J'ai un autre point de vue. Je lui explique que l'art peut
être aussi une forme d'héritage qu'on laisse et que des projets peuvent devenir
des "bébés". On reste campé sur nos positions. Zvonko me parle de ses
envies de devenir prof d'anglais ou guide touristique. Il connaît la ville, il
parle parfaitement l'anglais (qu'il a appris en regardant "cartoon
network"), il a de l'humour et une sacrée bonne énergie. D'ailleurs, il
organise un festival de techno-house. La musique est tout pour lui. Son père,
Dojan, a beaucoup de peine à comprendre sa passion. Il pense que c'est du temps
perdu. J'aimerais l'aider, j'aimerais faire comprendre au père que son fils a
un grand potentiel et que ce serait dommage de ne pas en faire profiter
d'autres personnes, que reprendre le "car wash" n'est peut-être pas
le meilleur des chemins pour s'accomplir. On échange nos opinions encore au petit-déjeuner.
Zvonko me dit de ne rien lâcher et que je luis fais penser au Santiago de
l'Alchimiste, de Paulo Coelho (quête de la transformation des matériaux
précieux). D'ailleurs, ils parleront de mon projet toute la journée et Zvonko
utilise l'exemple de Santiago pour essayer de faire comprendre à son père sa
vision des choses.
Comme quoi, mon rendez-vous manqué m'a offert une rencontre
essentielle, dont j'espère qu'elle portera ses fruits à long terme.
Keine Kommentare :
Kommentar veröffentlichen