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Freitag, 4. August 2017

KPR - 3 : Jour 119 I Borovac - Keqekölle

Je ne veux pas manquer le lever du soleil. Il sera là à 4h30. Très lentement ses rayons commencent à dévoiler l'environnement. Mile est là aussi, au moment des "au-revoir" il a l'oeil qui brille. On se serre deux fois dans les bras. J'aimerais revenir : le paysage est magnifique. Il n'y a quasiment rien d'autre que la nature. Je dévale dans la forêt et me réjouis de la descente. Il y a bien quelques moments d'incertitude à propos du chemin à prendre car la signalétique est rare. Je dois donc faire confiance à mon instinct. Je teste la direction puis je reviens sur mes pas, plusieurs fois. Puis je décide de m'engager et je reprends confiance. C'est très calme, un immense silence m'entoure.



Il y a une seule maison dans le fond de la vallée avec le faire-part d'une dame décédée. Il faut que je remonte pour atteindre les prochaines cimes. Des chiens  viennent me sentir à distance et prévenir de ma présence. Un troupeau de moutons se régale dans le pré. Il me faut encore quelques heures avant d'atteindre la frontière  Mutivode.
Amusant, je me fais dépasser par des voitures aux plaques suisses : BE, VD, FR, VS, ZH, SG,SZ, JU, GE. Ce sont des Albanais du Kosovo qui rentrent en Suisse après des vacances au pays.
Je reste une heure à la douane. On m'offre du café et du coca. Le big boss qui est d'une sympathie explosive, s'assied à mes côtés, il trouve que mon uniforme est bien mais par contre les lunettes c'est la cata dit-il. Selon lui, je dois me faire accompagner par un homme la prochaine fois que je vais chez l'opticien. Je quitte cet endroit très sympa, j'adore traverser les douanes à pied.



J'entame une longue descente dans la vallée. Les vaches déambulent librement à défaut des humains. Pas de clôture, elle se promènent sur la route. J'aperçois des monuments érigés pour des héros militaires qui se sont sacrifiés pour la patrie. Je me trouve sur le territoire du Kosovo, il me faut donc m'adapter à une nouvelle langue. J'apprends quelques mots en albanais. Les voitures que je croise sont remplies de familles, toutes générations confondues. Les femmes portent parfois un voile blanc et les hommes ce petit chapeau couleur crème. Les mosquées ont remplacé les églises orthodoxes. Au fond de la vallée, le premier village que je traverse est vide, mort. Il y a juste une usine de café et une école. J'apprendrai plus tard qu'il y a parfois plus d'élèves et que d'enseignants, genre un élève par classe ! C'est dans ce village que je passerai la nuit. Un Kosovar allemand m'interpelle et c'est parti... je suis vite intégrée dans la famille, très très nombreuse. La grand-mère a eu six enfants, qui ont eu à leur tour vingt-six enfants et petits enfants. Chaque été tout le monde se retrouve là. Ils sont plus de trente. Les uns viennent d'Allemagne, les autres d'Angleterre et quelques uns sont restés au pays. C'est là que je sens la différence de culture. Il y a le groupe des femmes et le groupe des hommes et tous se retrouvent pour le thé russe servi pour le dessert ou juste le bien être.



Je sens clairement la hiérarchie : le grand frère est très respecté par le reste de la fratrie. Oui, c'est bien le mot "respect" qui définit cette nouvelle ambiance. Je suis en quelque sorte la protégée de l'homme qui m'a abordé et je suis assise à ses côtés. Il me dit qu'il faut avoir une sacrée motivation, du caractère et du courage pour un tel projet. Il est très touché et me confie qu'il pensera à mon projet dans les moments difficiles et que ça lui donnera de la force. C'est très différent de l'ambiance serbe, ici les femmes chuchotent et même si on est très nombreux il y a parfois des silences.
L'interview avec le fils "artiste-architecte" est spéciale : on nous prépare une pièce avec deux chaises à distance l'une de l'autre, c'est très formel mais l'échange est profond.

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