Le jour de mon départ, je passe par le centre et je me fais accoster par Mister X, alors que je regardais Michel Diamante danser. Mister X écoute avec attention les quelques phrases en italien – apprises par coeur – sur le projet. Il me répond en italien, puis en anglais, puis finalement, on comprend qu’on parle tous les deux le francais. John, de son nom, est fasciné par le contraste de mon accoutrement avec la cité: «mantello nero», sac, batons de ski en plein milieu de Milan. Et Michel nous rejoint, ou plutot stoppe son show, ou encore plutot, on l’interrompt et le trio commence une sorte d’échange quelque peu surréel sur Paris («tu viens de quel arrondissemet?»), sur le travail de danseur professionnel de Michel qui structure sa vie entre mandats pour des célèbres marques, soirées et danse dans la rue ainsi que sur le travail de Mister X (traducteur pour des bureaux d’avocat, si j’ai bien compris). John me confie que sa femme a travaillé en tant que journaliste dans le domaine de la mode et serait certainement interpellée par mon habillement (le lendemain, je recois un sms de John qui me dit que Marzia, son épouse, veut absolument me photographier… mince, je suis déja trop loin, perdue dans la campagne industrielle). Finalement, on immortalise cette rencontre inédite avec un selfie et John me montre encore un petit magasin de vetements, assez uniques dans leur genre, dans la finesse du travail des matériaux et aussi, dans leur prix (un manteau en cuir, certes, vaut quelques 1400E).
Je continue mon chemin, seule, et il me faut environ 2h pour arriver vers la cote milanese nord-est, dans un quartier ou sont regroupées beaucoup de galeries d’art contemporain. Comme il se faisait déja tard et que je n’étais pas forcément en avance sur mon parcours, j’hésitais à m’arreter. Mais, comme l’art est le centre d’intéret, ma préoccupation première, alors «Dai Marinka, andiamo!». J’arrive un peu au mauvais moment dans l’une d’entre elles - alors que j’avais annonçé quelques jours auparavant mon arrivée - la galerie et son équipe est en plein phase de cloturer le dossier d’admission pour une «Art fair». Dario me fait cependant visiter l’expo. Je continue ma route vers les autres galeries. J’ai l’impression que certains des galeristes ne sont pas du tout étonnés de me voir débarquer, que ça peut paraitre complètement normal. Lorsque je quitte le quartier, il y a un petit groupe de gens, que je reconnais, qui marchent. Un petit groupe de personnes, rencontrées le soir d’avant au vernissage de Anton Bruhin à l’Istituto svizzero di Roma, à Milan. Parmi eux, Andrea Marti. On se salue brièvement. Ils ne savent pas qui je suis, ce que je fais, mais hasard des choses ou force de la nature, veut que nos chemins se croisent, à ce moment précis, à cet endroit-là.
Le soir, j’arrive dans un quartier industriel et sur la carte (de mon GPS, pas sur la carte de randonnée au 1:150000, hahahah), j’aperçois une superbe grande cascina. J’y vais, certaine qu’il y aura de quoi camper. La cascina en question, est belle, une sorte de forteresse avec une cour immense, un étang, un petit parc, mais bien grillagée et abandonnée… il y a de la lumière dans des étables et il me semble, que je sens l’odeur bovine, mais après plusieurs tentatives de «buongiorno», rien à faire. Alors je rebrousse chemin, quelques 500 mètres et je rejoins le berger accosté juste avant. Piero vient de Padoue avec 500 moutons, une vingtaine de chèvres, une dizaine d’anes, quelques poneys, 3 chiens et une caravane. Il est parti avec tout son troupeau, à la fin aout et va vers Milan. Il a 47 ans, mais en fait plus, le temps (dans tous les sens possibles – toute sa vie est consacrée au métier de berger) a travaillé sa peau. Je me dis que je ne peux manquer cette occasion de vivre un moment auprès d’une telle personne. Alors, je campe.
Je lui fais confiance. Je fais confiance à cette poignée de mains, à ce regard et je me dis, en le regardant travailler et prendre soin de 500 moutons, qu’il est bienveillant et que je suis au bon endroit. Il encercle l’immense troupeau d’un fil électrique, extrait une femelle et l’attache au poteau. Les chiens, eux aussi, attachés à trois endroits différents et à une certaine distance de la caravane, attendent le pain sec du berger. Piero, fumant une cigarette après l’autre, tourne, tourne et tourne encore, et encore dans le troupeau; il cherche un agneau, controle, surveille que toutes les betes se portent bien. Il en trouve un, l’amène à la femelle et en trouve un autre et l’amène à une chèvre. Comme ses nombreuses cigarettes, il répète de manière continue et régulière une sorte d’appel ou de langage, un bruit qu’on ne peut identifier, mais me semble-t-il, qui appaise, calme le troupeau. Comme un rituel. Un rituel de marche et de son, à travers le troupeau, et petit à petit, celui-ci se fait silencieux, s’abaisse.
Je lui fais confiance. Je fais confiance à cette poignée de mains, à ce regard et je me dis, en le regardant travailler et prendre soin de 500 moutons, qu’il est bienveillant et que je suis au bon endroit. Il encercle l’immense troupeau d’un fil électrique, extrait une femelle et l’attache au poteau. Les chiens, eux aussi, attachés à trois endroits différents et à une certaine distance de la caravane, attendent le pain sec du berger. Piero, fumant une cigarette après l’autre, tourne, tourne et tourne encore, et encore dans le troupeau; il cherche un agneau, controle, surveille que toutes les betes se portent bien. Il en trouve un, l’amène à la femelle et en trouve un autre et l’amène à une chèvre. Comme ses nombreuses cigarettes, il répète de manière continue et régulière une sorte d’appel ou de langage, un bruit qu’on ne peut identifier, mais me semble-t-il, qui appaise, calme le troupeau. Comme un rituel. Un rituel de marche et de son, à travers le troupeau, et petit à petit, celui-ci se fait silencieux, s’abaisse.
Je quitte un petit moment ce monde hors-temps, pour aller manger. Manger dans un snack bar, des lasagnes… mais surgelées. Je suis juste un peu étonnée – le gérant, un indien, me montre le congélateur et me demande quelle sorte je souhaite. Ca fait partie du voyage. Eco.
Je retourne au campement et Piero controle, recontrole, rerecontrole. Et finalement, me propose un café et une cigarette. Alors, dans la caravane de fortune qui est réduit à l’essentiel, on boit un bon café bien sucré et on fume. Il me raconte qu’il faut faire attention aux gitans, aux tziganes et que je dois mettre l’argent dans les chaussettes. Il a été plusieurs fois cambriolé… Piero me propose de dormir dans la caravane. Je refuse, j’ai mes petites habitudes, j’aime ma tente. Le lendemain, petit café et il m’offre un paquet de cigarettes, en me disant que ce n’est pas de la drogue.
Je rejoins Mario pour la «collazione» chez lui, dans le village. La rencontre avec Mario, est assez drole et découle de l’absence d’Anna. Mario arrivé en retard à son rendez-vous, attendait la belle dans le snack des lasagnes surgelées. Finalement, il est resté, espérant qu’elle arrivait et comme il n’avait pas son numéro, il attendait… attendait et puis, force des choses, deux personnes seules ont commencé à se parler. Merci à Anna pour son absence: j’ai reçu un magnifique déjeuner et un échange magique avec Mario.
Alors pour résumer ce passage milanais: non, je n’ai pas visité l’Expo. Et tant mieux ou tanpis. L’art est ailleurs.